La Poste : une ex-cadre fait usage de son droit d’alerte
Les conditions de travail à la Poste dénoncées
Une ex-directrice des ressources humaines réclame une enquête indépendante sur le modèle de celle qui a eu lieu chez France Telecom après une vague de suicides. Documents à l'appui, elle dénonce un climat de travail catastrophique.
Astrid Herbert-Ravel était directrice des ressources humaines de la Poste en Ile-de-France. En mars 2011, elle avait déjà porté plainte au pénal contre son employeur. Elle a démissionné en janvier cette année en élargissant sa plainte : l’ex-cadre attaque la Poste personne morale, donc l’entreprise.
Marion L'Hour a rencontré l'ancienne employée, très inquiète sur le climat social.
Lecture
Elle veut aujourd’hui faire usage de son droit d’alerte en demandant une enquête indépendante, sur le modèle de celle qui a eu lieu chez France Telecom après la vague de suicides qui a marqué l’entreprise.
Taux de décès à la Poste © Astrid Herbert-Ravel, d’après bilans sociaux des entreprises - 2013
Pour Astrid Herbert-Ravel le rapport Kaspar, publié il y a un an, et ses recommandations (notamment d’embaucher 5000 personnes) n’ont rien changé. L’ancien dirigeant syndical mandaté et rémunéré par la Poste se serait caché la vérité, estime l’ex-cadre du groupe.
Lui assure qu’il a démontré son indépendance et mis en cause la gouvernance de l'entreprise. Il doit faire un point d'étape de l'application de son rapport fin septembre.
POUR ALLER PLUS LOIN >> Lire l'intégralité du rapport Kaspar commandé par la Poste
Quoiqu’il en soit, Astrid Herbert-Ravel a elle aussi compilé des dizaines de documents : bilans sociaux, compte-rendu de réunion, lettres, témoignages… Et elle en tire un bilan bien plus alarmant.
Quelques chiffres tirés de son travail
En 5 ans le nombre de décès à la Poste aurait augmenté de 30% alors que la mortalité française reste stable.
L’absentéisme aurait augmenté de 20% depuis 2006 soit 20.000 équivalents temps plein (un milliard d’euros par an). Un absentéisme pas uniquement dû à l’âge car c’est le taux de contractuels (population plus jeune) qui augmente le plus.
Quand on compare les bilans sociaux de la Poste à celui d’un panel d’entreprises (Carrefour, EDF, Renault, Air France, ADP, SNCF, Vinci, Société Générale, Orange), le taux d’absentéisme est supérieur de 65%, le nombre de décès supérieur de 40%, les accidents du travail 2,5 fois plus nombreux, et 3,5 fois plus graves.
L'absentéisme à la Poste © Astrid Herbert-Ravel d’après bilans sociaux de la Poste et d’autres entreprises - 2013
Le taux de décès à la Poste est supérieur à celui de France Telecom y compris pendant les années « noires ». Aujourd’hui la mortalité à la Poste dépasse celle de France Telecom de 52%.
En revanche selon Astrid-Herbert Ravel, les deux taux de mortalité évoluent de façon parallèle et augmentent fortement quand les suppressions de postes dépassent 20% sans accompagnement de type plan social.
Tableau des décès à la Poste © Astrid Herbert-Ravel d’après bilans sociaux de la Poste et d’autres entreprises - 2013
De son côté, la Poste accuse son ancienne employée de chercher uniquement à faire condamner le groupe pour des raisons personnelles et financières. Dans un courriel, elle dément catégoriquement toutes les informations révélées par Astrid Herbert-Ravel.
La direction de La Poste conteste formellement les propos fantaisistes et la pseudo-analyse de cette ancienne collaboratrice, plusieurs fois déboutée en justice, qui ne représente qu'elle-même, et tente de salir l'image de l'entreprise à des fins purement personnelles et financières. Le Groupe La Poste se réserve le droit de toute action en justice visant à la défense de sa réputation.
Le syndicat Sud juge toutefois les données d'Astric Herbert-Ravel tout à fait crédibles.
Par Marion L'Hour | 15 octobre 2013 à 07:00 |